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2016 - Journées du patrimoine : La sous préfecture de Pamiers, depuis 1953 rue Frédéric Soulié

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A la fin de l'Ancien Régime, Pamiers est une ville d'importance : elle est le siège d'un évêché, d'un présidial, d'un maîtrise des eaux et forêts et d'une subdélégation de l'intendance. Elle possède le seul collège du pays de Foix et un grand hôpital, bref tous les attributs d'une petite capitale de province. Mais elle est dans le pays qui est dit de Foix. Le 27 janvier 1791, l'Assemblée nationale crée le département de l'Ariège composé, à la satisfaction des Appaméens, de l'ancien comté de Foix (en gros la vallée de l'Ariège), des pays de l'Hers (Mirepoix) et du Haut - Salat (Couserans). Mais l'administration départementale va siéger à … Foix. Pamiers se résigne mal à ne pas être le chef-lieu du département. L'injure est extrême pour la ville : elle n'est même pas chef-lieu de district, Mirepoix a obtenu ce siège … Aussi multiplie-t-elle les démarches pour regagner un peu de son prestige d'antan. Ce ne sera chose faite qu'à compter de l'année 1800 : la loi du 28 pluviôse an VIII (17 février 1800) crée les préfectures et les sous-préfectures. Si Foix demeure à la tête du département, Pamiers est élevé au rang de sous-préfecture. Elle va même avoir un fol espoir en 1803 : le 28 octobre, un incendie ravage la toute nouvelle préfecture à Foix, le maire de Pamiers propose aussitôt au ministre de l'Intérieur de recevoir les services sinistrés dans les locaux vacants de l'évêché. En vain, la préfecture restera à Foix.

Pamiers ne sera donc qu'une sous-préfecture. Mais cette dernière devient vite un lieu emblématique pour la ville, si on en croit le Plan historique de la ville actuelle que Jacques Ourgaud place, en 1865, dans les premières pages de son Histoire de Pamiers : la sous-préfecture accompagnée d'une rue de la sous-préfecture fait partie des édifices marquants de la ville qu'il signale en 6eme position après l'évêché, le palais de justice, le collège, le séminaire et l'évêché, avant même l'église du Camp. Signalons au passage qu'il n'est fait mention nulle part dans ce plan de la mairie. Le grand plan de la ville de Pamiers de 1876, conservé aux archives municipales indique bien, lui aussi, cette rue de la sous-préfecture et on peut y voir figurer le bâtiment de la sous-préfecture.
Les archives départementales de l'Ariège conservent quelques dossiers sur l'installation de cette dernière (AD 09, 4 N 25), ainsi que des inventaires du mobilier pour tous le XIXe siècle ( AD 09, 4 N 180-182). Le  siège de la sous-préfecture  sera, dans un premier temps l'évêché, ou tout du moins une partie de l'évêché puisqu'elle devra le partager avec la mairie, la justice de paix et la garde municipale.
En 1814, le département entreprend des travaux au bâtiment de l'évêché pour y installer le sous-préfet de façon un peu moins précaire. L'état général des combles est mauvais. L'ancienne chapelle de l'évêque est alors aménagée pour devenir le bureau du sous-préfet. La mairie, quant à elle, est alors établie dans ce qui doit devenir l'appartement privé du sous-préfet.

Mais en 1822, lorsque le siège épiscopal est rendu à la ville de Pamiers qui retrouve ainsi, avec une évidente satisfaction un peu de son lustre d'antan, le palais de l'évêché doit être évacué en hâte par la sous-préfecture et par la mairie qui y cohabitaient toujours.
Le 28 décembre 1825, le département acquiert donc un bâtiment pour en faire un bâtiment à usage de sous-préfecture. Il s'agit d'une maison particulière, bourgeoise dirions-nous appartenant à Charles-Pierre Joseph Brettes de Thurin, propriétaire demeurant à Toulouse, achetée par le département pour la somme de 15000 francs. Les locaux étaient précédemment occupés par Jean-Bernard Fons et Marguerite Treuille, veuve de Jean de Carcenac. Elle est située à l'angle de la rue de Cap Vert et du Four Viguier. Elle fait à partir de cet instant partie de l'état annuel des bâtiments affectés à divers services du département et nous pouvons, encore aujourd'hui, suivre son entretien et les travaux d'aménagement qui lui sont prodigués.
Notons au passage que Jean-Bernard Font, ancien curé de Notre-Dame du Camp, est bien connu des Appaméens : il s'agit de l'ancien député aux Etats Généraux qui avait pris la tête de la résistance au Concordat. Il meurt effectivement en 1826 à Pamiers c'est à dire au moment où le département achète ce petit hôtel particulier pour en faire la sous-préfecture. En 1841, on projette d'acheter la maison Bourges, près la promenade des Carmes pour loger la sous-préfecture, le bâtiment où est logé la sous-préfecture étant en mauvais état. La maison Bourges, dont le plan est conservé est, en fait situé rue Major. Quelques années plus tard, le département projette de construire un hôtel de sous-préfecture mais un édifice de ce genre nécessite une grande étendue de terrain. On abandonne donc l'idée d'acquérir une maison particulière en centre ville et on projette de le construire sur la rive gauche du canal, toujours sur l'allée des Carmes. Tous ces projets demeurent sans suite. La sous-préfecture demeure toujours installée dans les locaux situés à l'angle de la rue Bayle et de la rue de la sous-préfecture, là où Jacques Ourgaud l'a connue (AD 09, 4 N 26). En 1879, le ministère de l'Intérieur demande que les mots République française soient inscrits sur les frontons des préfectures et sous-préfectures. Trois bustes de la République sont acquis par le département auprès de la maison Yves et Baret , 6, rue Thévenot à Paris (elle sera en partie détruite, en partie incorporé dans l'actuelle rue Réaumur) pour la somme de 500 francs. L'un d'eux est destiné à la sous-préfecture de Pamiers (A.D. Ariège, 4N10).

Le décret du 10 septembre 1926 relatif à l'administration préfectorale, appelé également décret Poincaré supprime 106 sous-préfectures et tribunaux civils. Pamiers est déclassé de son statut de sous-préfecture. Cette diminutio capitis ne paraît avoir profondément marqué la ville et ne donne pas lieu à manifestation si l'on excepte la protestation immédiate du conseil municipal dans sa séance du 18 septembre : il fait part de son étonnement mais se complaît surtout dans le long rappel de l'importance de l'arrondissement, véritable entité géographique, ethnique et économique avec l'usine métallurgique, le tricotage, les papeteries. On note aussi l'intervention assez formelle du maire, Joseph-Paul Rambaud auprès du président de la République et du député, Pierre Cazals. Car c'est vite un fait reconnu par les Appaméens : la sous-préfecture ne sera pas rétablie, à moins d'un concours de circonstances extraordinaires. Le département, propriétaire du bâtiment de l'ex rue de la sous-préfecture, y laisse un concierge (A.D. Ariège, 4 N 26). En 1933, il cède à la ville de Pamiers le local avec ses dépendances. Ou plutôt il en fait don, car il tombe en ruine. La ville a alors le projet d'y installer une école publique (délibération du conseil municipal du 29 décembre 1934). L'acte de cession figure au recueil des actes administratifs de 1'année 1937. Durant une grande partie de l'année 1937, les services municipaux s'activent dans le bâtiment pour y aménager une bourse du travail. Le bâtiment du 5, rue Bayle est ainsi donné à bail à l'union départementale des syndicats.  En 1939, les travaux qui ne sont pas terminés reçoivent une aide de l'Etat, une subvention de 48 000 francs sur la commission du fonds des jeux pour aider à la finalisation de cette Maison du peuple qui comprend au rez-de-chaussée une vaste salle de réunion munie de deux entrées et le bureau du secrétaire général. A l'étage, les syndicats ont chacun leur bureau et on équipe une salle de lecture. Au rez-de-chaussée, sur la rue de la sous-préfecture, on construit une salle de jeux pour les exercices physiques des enfants. Les travaux sont terminés en 1939 (A.D. Ariège, 2 0 1159).

Et puis, le 1er juin 1942, dans l'indifférence générale, la sous-préfecture est rétablie à Pamiers. Pourquoi ? La ville fait partie des 33 choisi par l'Etat français pour y restaurer une administration.
Vichy a favorisé les services de proximité … Mais quelle triste année que l'année 1942 dans l'Ariège et à Pamiers. Le retour du sous-préfet se fait dans l'indifférence totale pour des raisons d'actualité : les Allemands entrent à Pamiers le 11 novembre et s'y installent dans l'ancien Petit Séminaire que leur assigne le maire, le docteur Rambaud qui sera déclaré démissionnaire dès le 18 février 1943. Le sous-préfet Desfeuille ne s'installe lui que le 16 novembre de la même année,  rue des Jacobins dans un immeuble loué par le Conseil général qui bénéficie de deux entrées et qui  a été aujourd'hui scindé en deux bâtiments privés au 1 et 3 rue des Jacobins. La sous-préfecture quittera cet espace, si voisin de la mairie, qui était alors dans l'actuelle médiathèque, en 1953 pour le bâtiment qu'elle occupe toujours aujourd'hui, rue Frédéric Soulié. Ce dernier date du premier quart du XX e siècle. Il n'était pas construit en 1898,  il l'est très probablement dans les dernières années de la première Guerre mondiale. C'est une période favorable économiquement pour l'usine qui se relève alors des difficultés économiques et sociales récurrentes de la fin du XIXe siècle et qui décide de la construction d'un hôtel particulier, un château, pour le directeur. Il est composé d'un corps de bâtiment principal, d'une aile de dépendances et d'un petit pavillon d'angle. En 1953, le sous-préfet de Pamiers reçoit une offre verbale de la part du directeur de l'usine afin de l'acquérir. L'immeuble devient alors après négociations propriété du Conseil général : il doit accueillir les services de la sous-préfecture et le logement du sous-préfet.
La demeure est composée d'un corps de logement principal, d'une cour d'honneur, d'un logis de gardien et d'un parc. L'ensemble est clôturé d'un mur. Le bâtiment est recouvert d'un toit d'ardoise à deux pans, encadré par deux pavillons. Les murs sont de brique et de pierre calcaire pour les chaînages d'angle. L'accès du bâtiment est magnifié par la grille en façade principale, par un perron de six marches et une porte monumentale surmonté d'un faux balcon. Il ne manque pas d'allure mais à part le drapeau tricolore qui y flotte au vent et le sigle RF sur les grilles, rien n'indique que cet hôtel particulier est une sous-préfecture. La sous-préfecture de Pamiers demeure donc aujourd'hui ce qu'elle était à l'origine : un belle propriété bourgeoise et nombreux sont les visiteurs qui doivent passer devant sans même s'apercevoir qu'il s'agit de la sous-préfecture.