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2016 - Journées du patrimoine : Les lieux de justice de Pamiers. Le tribunal, place du Mercadal

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La création du siège présidial de Pamiers fut arrêtée par le pouvoir royal en 1646 et proposée aux Etats de Foix en 1647. Jusqu'alors, le roi, héritier des comtes de Foix, y rendait la justice par un viguier, dont la juridiction avait pour siège le territoire de la ville et par un juge d'appeaux qui s'occupait des affaires du bas-comté. Le présidial projeté devait s'étendre sur tout le pays de Foix,le Couserans et une partie du Comminges. Il aurait une fonction d'intermédiaire entre le Parlement de Toulouse et les justices municipale, royale ou seigneuriale. Sa compétence en dernier ressort lui permettait de trancher des affaires importantes allant jusqu'à 500 livres de capital. Cette création devait centraliser et fortifier l'action de la justice royale dans cette ville indisciplinée que Louis XIV tenait à l'oeil.

Les Etats de Foix donnèrent leur accord dès 1647 en reconnaissant que la justice serait ainsi rendue désormais avec plus de force et de régularité. Mais l'évêque et les consuls de Pamiers témoignèrent de fort peu d'enthousiasme. Ils craignaient que cette nouvelle juridiction n'anéantisse leur propre pouvoir judiciaire. Effectivement durant tout le XVIIIeme siècle la justice consulaire va se réduire petit à petit  aux affaires de simple police. Les décisions traînèrent. Le 10 mars 1661, le conseil de ville demanda la garantie royale que la création du présidial ne coûtera rien à la communauté. Au mois d'août de la même année, il renouvela sa résolution de ne pas contribuer financièrement à l'établissement du présidial et il demanda, il supplia même le Roi de lui épargner cette installation qui serait préjudiciable à la ville. En 1662, il fit une dernière tentative pour empêcher son installation. Si bien qu'en août un conseiller du Roi, Antoine Darzac vint présider un conseil de ville, sur les ordres de l'intendant Pellot pour discuter de l'emplacement où devrait être construit le palais du présidial. Le conseil indique la place derrière la cathédrale toujours en ruine, à la condition qu'une partie de la place serait réservée pour le marche et surtout que la ville serait quitte de tous frais et contributions pour la bâtisse du palais. Un arrêt du Conseil d' Etat du 24 décembre 1664 établit le présidial à Pamiers. Le pays de Foix demandait que la ville contribue, au moins pour le dixième  à la construction de la bâtisse. L'ordre royal de contribution arriva le 4 février 1665 et la ville imposa 1800 livres.. Les travaux commencèrent .L'installation du présidial se fit en mars 1666 et les audiences commencèrent en avril. Au présidial était attaché un grand nombre d'officiers : de 40 à 80 qui allèrent peu à peu composer la bourgeoisie riche de la ville. Nous passerons sur les nombreux froissements de susceptibilité auxquels donnèrent lieu les questions de préséance entre les chanoines, les consuls et ces messieurs du présidial ! Dès les années 1675, la ville reconnut toutefois l'intérêt de posséder le présidial et vit d'un très mauvais œil les tentatives de la ville de Foix pour le lui enlever. Le palais du présidial s' élevait pendant ce temps lentement derrière la cathédrale dont la reconstruction, elle aussi,  prenait peu à peu forme.

Comment se présentait alors ce palais de justice ? Nous ne le saurons jamais. Il n'en reste aucun dessin, aucune gravure, et aucune description. Nous en savons donc encore un peu moins sur lui que sur le Trentat, son voisin.
Mais le XVIIe siècle est le siècle des reconstructions, lentes, difficiles mais aussi médiocres et souvent inachevées. Le palais du présidial, demeuré comme beaucoup d'autres bâtisses de Pamiers inachevé et devenu insuffisant (?)  -c'est du moins ce que disent les textes qui sont parvenus jusqu' à nous-  fut reconstruit aux frais du ressort et les travaux terminés en 1777. Le roi avait ordonné par un arrêt du 29 mars 1773 que l'entretien des bâtiments servant à l'administration judiciaire royale serait à la charge de des villes dans lesquelles les cours de justice étaient situées. En conséquence, le chanoine Pauly et le conseiller municipal Laborde furent nommés commissaires pour surveiller la construction de ce nouveau palais. Le maire Ribaute demanda qu'on fasse observer au contrôleur général avant d'accepter le monument terminé qu' il serait bon de munir de toiles de fil d'archal le vitrage des onze croisés de la façade, fort exposées au mauvais temps et aux grêles fréquentes. Ce second palais est celui que vous connaissez. La façade de briques est rehaussée de trois pavillons et est percée d'ouvertures cintrées au rez-de-chaussée et de hautes fenêtres au premier étage. C'est un beau monument un peu froid comme les constructions de l' époque. Sur le pavillon central était sculpté l'écusson fleurdelisé du royaume de France, emblème du pouvoir royal. La dernière séance du présidial eut lieu le 10 septembre 1790.

L'organisation judiciaire de L'Ancien Régime fut en effet supprimée et remplacée au civil par les tribunaux de district et les justices de paix, au criminel par le tribunal criminel qui fut érigé au chef-lieu des nouveaux départements, donc, dans l' Ariège à Foix. Pamiers devint donc en 1790 titulaire
d'un simple tribunal de district, aux juges élus. En octobre 1790, les suffrages désignent Vadier qui sera installé président du tribunal de Pamiers le 15 novembre. Le tribunal s'installe naturellement dans l'ancien présidial. Mais quand même quelle chute, quelle perte de prestige pour la plus grande ville du département !! Des travaux de ce premier tribunal nous ne savons pas grand chose  mais le 11 février 1793, la municipalité de Pamiers paie trois livres aux ouvriers qui ont martelé les fleurs de lys au dessus de la porte d'entrée du palais de Justice. Le Comité de salut public ne voulait  rien négliger pour obtenir la destruction de tous les emblèmes de l'ancienne servitude dont il existait encore sur les monuments des vestiges très visibles. Il fallait que la pierre n’en puisse rappeler la mémoire.
La justice de paix alors créée à Pamiers remplaçait, quant à elle le tribunal de police de l'ancien consulat. A la ville donc de l'organiser et de le loger. Cette institution perdurera jusqu'en 1958 et nous en parlerons ultérieurement.

Ce fut en fait le Consulat qui réorganisa l'administration judiciaire sur laquelle nous vivons toujours peu ou prou jusqu'à 1958… la justice civile est répartie en trois degrés de tribunaux, les tribunaux de simple police ou justices de paix (un par canton, loi du 20 mars 1803), les tribunaux de première instance à raison d'un d'un par arrondissement – Pamiers est donc le siège d'un tribunal d'instance puisque sous-préfecture. Enfin les cours d'appel : l'Ariège dépend depuis 1803 de celle de Toulouse. La justice criminelle est rendue par les justices de paix (contraventions), les tribunaux correctionnels (au chef-lieu d'arrondissement) et par les tribunaux d'assises siégeant deux fois l'an au chef-lieu du département (donc à Foix). Pamiers a donc dû donc se contenter d'un simple tribunal d'instance, ce qu'elle fit . Ce dernier s'installa dans le présidial et le préfet et Paris de s'étonner  de cette installation !  En 1825, on relève cette phrase dans un rapport de la préfecture que l'on va retrouver durant des décennies : Il paraît qu'il n'existe pas de remise de ce bâtiment (l'ancien présidial) dressé en vertu du décret du 9 avril 1811. Cependant le département n'a cessé d'en être en possession. Les juges appaméens du XIXe siècle sont installés dans le présidial avec la prison et le département entretient le bâtiment.. Jules de Lahondès note ainsi  de façon lapidaire dans le tome II des Annales de Pamiers (p.403) : le présidial, devenu le tribunal de première instance … Comme Jacques Ourgaud, le premier historien de Pamiers, il ne s'attarde pas et pourtant : la ville la plus peuplée du département a été ravalée au rang de sous-préfecture et, victime de la centralisation administrative, a été dessaisie de ses fonctions de commandement dont le tribunal de grande instance. Le nouveau tribunal, emploie quand même près de 50 personnes au milieu du XIXe siècle, depuis les magistrats jusqu'au simple huissier.

Ce tribunal va suivre les avatars de la sous-préfecture et être supprimée, avec l'arrondissement de Pamiers  par le décret du 3 septembre 1926. Cette suppression semble avoir encore moins affecté la ville de Pamiers que la suppression de la sous-préfecture. Dans la séance du 18 septembre 1826, le conseil municipal constate simplement avec étonnement sa suppression et émet un vœu pour conserver cette justice de proximité, vœu platonique s'il en est... Le tribunal d'instance est perdu et il ne sera pas recréé, lit-on dans les rapports de l'époque sauf cas très improbable. Et pourtant, le tribunal va suivre la destinée de l'arrondissement de Pamiers rétabli le 1er juin 1942 et de la sous-préfecture. Ce sont les deux grandes réformes de 1958 et de 2007-2010 qui vont lui porter un coup fatal.. Le 20 décembre 2009, il y a sept ans déjà, eut lieu la dernière séance du tribunal de première instance qui ferma définitivement ses portes le dernier jour de la même année. Inoccupé depuis, la fière bâtisse se  dresse toujours fièrement sur la place du Mercadal. Sur le fronton du logis principal, une plaque de marbre : République française puis au dessus Tribunal de première instance.

En 1958, la ville avait déjà perdu sa justice de paix, cette juridiction proche, efficace et gratuite qui réglait depuis 1790 les litiges de la vie quotidienne des Appaméens. Arrêtons-nous un instant sur ce bel héritage révolutionnaire qui disparut en grande partie parce que l'accès à la fonction de juge de paix ne nécessitait aucune qualification. On retrouve donc parmi les juges de paix des hommes bénéficiant le plus souvent d'une bonne condition sociale mais surtout d'une autorité morale reconnue. La professionnalisation inévitable du métier, commencé en 1929 marque le début du déclin de ces juridictions supprimées en 1958 et remplacées par les tribunaux d'instance. Liée à la mairie la justice a siégé dans l'hôtel de ville un peu partout en France durant le XIXe siècle comme le rappelle de nombreuses mairies d'arrondissement de Paris dont les façades latérales portent bien souvent la mention : justice de paix. Loger la justice de paix est en effet conforme à la loi et une obligation imposée au ville. Ce fut le cas à Pamiers et le juge de paix a siégé dans le nouvel évêché, puis dans l'ancien évêché, puis de nouveau dans le nouvel évêché, puis dans l'ancienne maison Vignes de 1828 à 1839.  En 1829, toutefois,il est rappelé au maire qu'il doit offrir, outre le local, le chauffage et le luminaire au juge de paix … En 1838, les services municipaux s'étoffant le maire loue aux Capelles une partie de la salle d'asile, dans l'aile gauche, où le juge de paix pourra tenir ses audiences. Le local comprenait la salle d'audience, le cabinet du juge, la salle du greffe et la pièce réservée aux témoins. En 1949, la justice de paix déménage une dernière fois dans le palais de justice, dans une aile louée au département.